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Idée et réalité dans «Su único hijo» de Leopoldo Alas, Clarín

Yvan Lissorgues


Université de Toulouse le Mirail



Su único hijo est un roman extrêmement complexe et la multitude des approches qu'il autorise est susceptible de dérouter le lecteur si celui-ci ne parvient pas à déceler une ligne unitaire de cohérence qui donne un sens à l'ensemble de la construction romanesque. Or, sur ce point, il ne semble pas, à ce jour, que la critique ait donné son dernier mot. Grâce à de fort pertinentes études, nous sommes maintenant mieux à même d'apprécier les diverses problématiques (littéraire, historique, religieuse, psychologique, psychanalitique...) qu'implique Su único hijo. Mais il faut bien reconnaître que si la superposition de tous ces travaux donne un reflet de la densité et de la richesse du roman, elle n'éclaire pas de manière, sinon définitive, du moins satisfaisante, le sens profond de l'oeuvre. La plupart des études posent le problème, mais toujours de façon incidente et sans aller, en général, au delà de l'affirmation interprétative1.

Un des aspects les plus troublants du roman réside dans l'omniprésence du narrateur, dont la position par rapport aux faits ou par rapport aux personnages est, en général, clairement suggérée. L'umour, l'ironie, le sarcasme, le burlesque, mais aussi parfois une pointe de compassion, sont autant de moyens par lesquels l'auteur semble vouloir se dégager de la réalité qu'il évoque. Cette simple observation qui saute aux yeux à la première lecture révèle un romancier qui affirme délibérément un droit de regard sur les choses, même si celles-ci sont, dans une certaine mesure, le résultat de sa propre création. Il est, dès lors, nécessaire d'admettre que cette position de supériorité sur laquelle notre auteur se place n'est possible que dans la mesure où celui-ci possède un système de valeurs, une conception du monde ou de la vie, bref, une idée sur les choses qui ne coincide pas toujours avec les choses de la réalité.

N'est-ce pas à partir de cet écart plus ou moins grand (parfois nul, nous le verrons) qu'il convient de s'interroger sur le degré de réprobation, de répulsion ou éventuellement d'adhésion, de l'auteur par rapport au monde de sa création?

Poser ainsi la question revient à considérer que nous sommes en présence d'un moraliste, mais d'un moraliste qui ne se donne pour tel qu'implicitement puisqu'il reste toujours dissimulé dans la trame romanesque et que sa présence ne se manifeste que dans certains procédés stylistiques (ironie, humour, ton, adjectivation...). De là la difficulté.

Clarín, en effet, ne nous laisse pas aisément entendre au nom de quelles valeurs il légifères sur les situations ou les personnages; ces valeurs ne sont appréciables que par déduction à partir de l'écart dont nous parlions plus haut, ce qui n'est peut-être pas suffisant pour assurer la démarche du lecteur qui ne trouve dans le roman aucun aspect entièrement positif. Même la conversion de Bonifacio à l'idée rédemptrice du fils reste souillée et prisonnière tant du milieu hostile dans lequel le personnage est condamné à vivre que du tempérament faible de celui-ci. Comment expliquer que, six ans après la claire, vigoureuse et dynamique position qui s'exprime dans La Regenta, Clarín nous donne dans Su único hijo une vision si appuyée du mal et, dans le meilleur des cas, une vision, à première vue (oui, seulement à première vue) si tristement dérisoire de l'idéal conquis par un Bonifacio totalement isolé au milieu de forces négatives?


Un naturalisme finaliste?2

En 1882, dans sa défense théorique du naturalisme, Clarín ne faisait pas mystère de la nécessaire finalité que le romancier devait donner à sa création: «La reproducción artística [de la realidad] requiere siempre la intervención de la finalidad del artista y de su conciencia y habilidad»3.

C'est pourquoi, dans La Regenta, le romancier n'atteint jamais l'impassibilité, au moins apparente, d'un Zola et encore moins la sourcilleuse objectivité d'un Flaubert. Le style de la satire, ou (plus rarement) le ton de l'indulgence sont des ingrédients permanents de l'écriture de La Regenta.

Avec Su único hijo peut-on encore parler de naturalisme?

Certains critiques contemporains de Clarín, tel Baltasar Champsaur, ont délibérément rangé (pour le condamner) Su único hijo dans la catégorie des romans naturalistes: «Le naturalisme, en somme, n'a rien donné de bon, tout au plus deux ou trois ouvres dans le genre de Su único hijo, bien écrites, bien composées, de grande portée quant au fond, mais dépourvues de souffle vital»4. Jugement qui prouve que ce critique n'a pas très bien compris le roman (nous espérons le montrer). C'est qu'il semble que l'on avait à l'époque, en Espagne, une idées plus ou moins volontairement faussée du naturalisme, et peut-être en reste-t-il quelque chose de nos jours. Le naturalisme ne se caractérisait pas exclusivement par l'étude des faiblesses et des bassesses humaines, mais prétendait, au contraire, analyser tous les aspects de la réalité sociale ou humaine afin de contribuer, croyait-on, à une connaissance aussi scientifique que possible des structures sociales ou des comportements. Le romancier devait donc avoir une connaissance aussi profonde que possible des dernières conclusions de la psycho-physiologie, de la sociologie... Pour l'ardent défenseur de la nouvelle école qu'est Clarín en 1882-83, le naturalisme est une théorie dont la finalité est que «el arte sirva en adelante a los intereses de la sociedad con más intensa acción que hasta ahora, siguiendo la corriente general de la civilización»5.

Il faut souligner que L. Alas reste toujours fidèle à une conception réaliste (naturaliste, selon lui) de l'art et de la littérature, bien qu'à partir d'une certaine date 1887 ou 1890, il considère légitimes les nouvelles orientations romanesques vers la psychologie ou le sentiment (Bourget) ou vers un certain spiritualisme (Tolstoï). En 1897, il écrit, toujours avec conviction: «El novelista que quiera imitar la realidad [...] para sacarle el jugo estético [...] no tendrá otro camino que el análisis profundo, exacto, sabio, significativo» [de dicha realidad]. Todas las novelas que tan grave fin se propongan tendrán que ser siempre más o menos naturalistas»6.

En septembre 1890, il publie dans Madrid Cómico un article critique sur La Prueba d'Emilia Pardo Bazán. Ce texte, peu connu, contient une réflexion théorique qui mérite d'être citée ici car elle éclaire la conception littéraire de Clarín au moment même où il écrit les derniers chapitres de Su único hijo.

«Por lo que toca a la realidad, que no está compuesta, se ha de ver que la realidad no es cosa artística; pero desde el momento en que se imita la realidad para ser contemplada, hay que tener en cuenta que se transforma en espectáculo, y entonces aparece la perspectiva (la composición en el arte), la cual en la realidad, como tal, no existe, pues no se presenta sino con el espectador. Yo no diré que en una novela debe existir aquella rigorosa dependencia de cada parte desde el principio, a un efecto final [...], pero es indudable que, aun dando en los grandes cuadros de literatura épica a la digresión lo que es suyo, la idea de unidad y la de armonía deben estar presentes siempre y revelarse en el carácter orgánico, si vale hablar así de estas cosas, de cuanto en tales obras se escriba. Esto no es cambiar la realidad, convertirla en artificio, como tampoco el método y el sistema a que forzosamente ha de atenerse el científico niegan la independencia del mundo respecto de tales andamios, pues es claro que, aunque la naturaleza sea un cosmos, un orden, no es en sí un orden dialéctico: lo es, reflejado en la conciencia del sabio. Igual en el arte. El mundo no tiene composición, pero visto por el artista se convierte en una experimentación necesariamente compuesta [...]7».


Ce texte (manifestement écrit à la hâte: répétitions, lourdeurs) pose d'une manière éclairante le problème fondamental de la relation de connaissance entre l'homme (savant ou artiste) et la réalité (le monde, la nature...). La réalité est en-soi, elle a sans doute un ordre, mais ce dernier n'a d'autre sens que celui que lui donne la conscience du savant ou de l'artiste. La vérité, la seule vérité connaissable, se situe donc dans cette relation dialectique entre le réel et la conscience, entre la réalité et l'idée. Ainsi, le statut du sujet est clairement défini par rapport à l'objet, dans sa relation de dépendance, certes, mais aussi dans son rôle actif d'organisateur de sens. La supériorité de l'oeuvre d'art sur la réalité (non composée, où «rien ne commence, ni rien ne s'achève») est de mettre en lumière l'idée d'unité et d'harmonie. Ce qui revient à reconnaître, on en conviendra, la prééminence, ou même la pré-dominance de l'idée de l'artiste sur la réalité. L'expérimentation est, pour Clarín, le passage (dialectique) de l'observation du réel à la composition de l'oeuvre d'art: «La observación se convierte en experimentación cuando está preparada para el propósito adecuado al medio artístico». L'agent actif et le creuset de l'expérimentation est donc la pensée de l'artiste.

Cette prééminence de l'idée concède à l'auteur une certaine supériorité (avouée ou non) sur la «matière» romanesque.

Dans Su único hijo, cette supériorité se manifeste d'une manière explicite de deux façons: l'une que nous qualifierons de relative et l'autre d'absolue, bien que ce dernier terme ne soit pas entièrement satisfaisant.

Par une habile fiction, l'auteur, qui écrit son roman dans les années 1888-1890, situe «l'histoire» dans les années 1850-1860; il peut ainsi s'attribuer, en toute logique, une supériorité qui lui permet d'expliquer ou d'interpréter certains comportements et certaines pensées des personnages grâce à l'évolution des connaissances et des mentalités durant une trentaine d'années.

«En tiempo de Bonis, en esta época de su vida, no se hablaba como ahora [...]. Sin contar con que Bonifacio, menos instruido todavía que su historiador, ni de propósito hubiera podido dar con ciertas frases que aquí suelen usarse para interpretar aproximadamente las tribulaciones de su espíritu».


(p. 169. Voir note 3 de C. Richmond)                


A propos des méditations philosophico-religieuses de Bonifacio, le narrateur va même jusqu'à préciser, entre parenthèses, qu'il interprète les pensées de son personnage, alors que ce dernier est incapable de les exprimer avec des mots: «(él no usaba estas palabras; no pensaba esto con palabras (p. 252). Nous reviendrons, en temps utile, sur cette méditation de Bonis, car si l'auteur prête à celui-ci son propre langage, il le charge aussi d'assumer ses propres idées...

Cette perspective temporelle, du haut de laquelle le narrateur observe le monde qu'il crée, lui confère une supériorité relative beaucoup plus crédible que l'omniscience que s'attribue arbitrairement le romancier réaliste ou naturaliste (A titre d'exemple, comparer avec l'attitude de Galdós dans Tormento). Le procédé est habile, mais faut-il lui concéder une importance primordiale? Certainement pas car il n'est qu'un procédé. D'ailleurs, si certaines allusions, plus ou moins précises, nous renvoient aux environs des années 1850-1860, l'environnement spatio-temporel8 reste assez flou pour que ce qui est essentiel dans le roman puisse être encore une réalité d'actualité au moment où Clarín écrit.

Or, ce qui est essentiel c'est l'absence totale, hors de Bonifacio, d'une moralité authentique, humaine au plein sens du terme. Voir les hommes et les mécanismes sociaux comme les voit Clarín est peut-être le résultat d'une observation, mais, sans aucun doute, d'une observation sélective, conditionnée par une conception hautement éthique du monde. C'est seulement à partir d'une idée morale que peut se justifier cette présence permanente, bien que diluée dans l'écriture, d'un narrateur dont le rôle est, en même temps qu'il raconte ou qu'il peint, de révéler les diverses pigmentations de la réalité évoquée afin de bien mettre en lumière «le spectacle» et de faire apparaître «la perspective». Le narrateur s'arroge ainsi sur le réel observé une supériorité morale que nous qualifions d'absolue car elle découle d'une conception de l'homme et de la vie qui est celle de Leopoldo Alas.




«L'enfer c'est les autres»

Comment se manifeste dans le roman cette supériorité du narrateur?

Par le style, avons-nous dit, par l'ironie, le sarcasme, le burlesque... Il est impossible dans ces pages d'entreprendre une étude, en fonction de «la chose» évoquée, de tous les registres de ton, de toutes les catégories adjectivales, de tous les plans métaphoriques ou parodiques. Contentons-nous d'observer qu'aucun élément linguistique, disons positif, ne vient rehausser la peinture d'Emma, de Marta, de Körner, de Juan Nepomuceno ou de Mocchi. Emma est une Erinye, un diable, un tigre... et dans le meilleur des cas, elle esquisse un sourire de satisfaction lorsque sa vanité est flattée ou lorsque sa chère personne se sent hors de danger... Et tout à l'avenant. Seul le personnage de Serafina est nuancé; elle est à la fois diabla et madre; attirée par le bien (d'une vie confortable), elle est finalement vaincue par son destin, et sa mauvaise nature (le serpent) fait surface. En tout cas, il faut bien souligner que c'est un des rares personnages (avec Minghetti) qui soit présenté comme conditionné (déterminé) par les circonstances vitales auxquelles les hasards de la vie l'ont soumise. «La inglesa traducida al italiano por Mocchi» et le Tenorio Minghetti sont placés dans une perspective biographique qui explique, dans une certaine mesure, leur comportement.

Il est étonnant de constater que dans Su único hijo la plupart des personnages (mis à part les deux précédents et, bien sûr, Bonis) sont coupés de leurs racines et vus hors de tout déterminisme sociologique.

Dans La Regenta, le mal avait une explication (non une justification) sociale et humaine. Fermín de Pas est, pour une bonne part, un produit du milieu: c'est le paysan ambitieux et intelligent qui veut échapper à sa condition en grimpant les échelons de la seule voie qui lui soit ouverte, celle de la hiérarchie catholique. Ana Ozores a une histoire qui explique un peu ce qu'elle est.

Dans Su único hijo, Nepomuceno, Emma, Marta... sont figés en eux-mêmes, dans leur mal, pourrait-on dire. En particulier, Emma et Marta apparaissent comme des cas, au sens clinique du terme, d'hystérie et de perversion morale, et l'auteur, qui les fait agir, parler et parfois penser devant nous, ne se préoccupe jamais de chercher une explication à leur comportement9. Tout se passe comme si ces deux femmes puisaient tout leur sens dans un égoïsme profond et absolu, primaire, instinctif et vital dans le cas d'Emma, tout aussi profond chez Marta, mais aggravé chez elle, selon la vision de Clarín, par un raffinement culturel et intellectuel dévoyé. L'auteur ne cherche dans les antécédents de ces deux personnages aucune circonstance atténuante (le fait, par exemple, que ni l'un ni l'autre n'ait reçu l'influence de la mère, dont il n'est jamais question) et ne leur concède aucune, absolument aucune, attitude ou pensée désintéressée, aucun mouvement de tendresse. Ils apparaissent comme un absolu dans le mal, une sorte de cas limite de perversion qui les apparente plus à des personnages de tragédie qu'à des individualités «naturalistes». Marta ne va-t-elle pas jusqu'à convaincre son amie (et elle y parvient sans peine) qu'elles appartiennent l'une et l'autre à une catégorie d'êtres supérieurs, dignes de s'affranchir des normes de la morale courante.

Il faut remarquer que l'auteur n'est pas plus indulgent pour cette morale environnante qui trouve inconvenant, par exemple, que les femmes applaudissent au concert ou qui critique ouvertement certains comportements, tout en les enviant en secret, car cette morale qui n'est que conformisme et préjugés est aussi éloignée de l'authentique que l'inconformisme des deux Zarathoustra en jupons.

Dans la conception de ces deux personnages, il est difficile de savoir ce qui relève de la simple observation de la réalité. Il est probable que dans la création de Clarín, dans ce cas, interviennent les dernières connaissances expérimentales des sciences psychologiques et physiologiques. Nous savons maintenant que L. Alas, lui-même sujet à de graves crises nerveuses à partir des années 1889-90, était très préoccupé par tous ces problèmes et il n'est pas douteux qu'il ait enrichi ses connaissances en la matière au contact des ouvrages de Wundt, de Binet ou de Claude Bernard. Il est certain en tout cas que Clarín connaissait remarquablement bien les symptômes et les mécanismes psychiques de l'hystérie et de la perversion morale, et la peinture de ces deux personnages est en soi d'un grand intérêt.

Pourtant, l'auteur ne traite pas Emma et Marta selon la règle de l'impassibilité naturaliste, il a soin, au contraire, de les placer en permanence dans une perspective telle que les cas pathologiques qu'elles sont deviennent des exemples d'aberration morale.

L'argent et le sexe, tant dans leur fonction sociale qu'individuelle, sont toujours abordés sous l'angle de la cupidité ou de la concupiscence. Bien souvent d'ailleurs, l'un et l'autre s'entrecroisent en une sorte de chiasme qui fait que la cupidité est au service de la concupiscence, et inversement. Tel est le cas dans les relations de Marta et de Nepomuceno, ou du groupe des chanteurs (Mocchi, Minghetti) et de la famille Valcárcel. Bref, l'argent et le sexe, outre les plaisirs (dévoyés et malsains, selon la vision de Clarín) qu'ils peuvent procurer, sont avant tout des moteurs de dépravation sociale et individuelle lorsque les hommes sont indignes.

En arrière-plan du roman, il y a quelque chose de la réalité socio-économique de la deuxième moitié du XIX siècle, à savoir, l'exploitation des richesses naturelles qui entraîne un déplacement de capitaux et l'arrivée, dans le nord de l'Espagne surtout, de techniciens étrangers. Le passage d'une économie traditionnelle de type féodal (perception de la rente sur la terre) à une économie d'investissement capitaliste est clairement perceptible clans le roman, mais le mécanisme n'est vu qu'à travers les machinations de Nepomuceno pour spolier sa nièce et à travers les sordides calculs de l'ingénieur allemand, associé pour la circonstance aux charmes de sa fille, pour tirer de l'affaire sa part de gâteau. Nous sommes loin de l'étude objective, minutieuse, «naturaliste» d'un phénomène économique... Celui-ci est présent comme réalité mais il est perçu à travers le prisme de l'idée de décadence morale.

Tout cela exigerait une analyse approfondie qui mette en valeur l'art du romancier plus moraliste que naturaliste. Nous ne pouvons ici que nous limiter à indiquer les grandes lignes qui s'orientent vers le sens profond de l'oeuvre, au centre de laquelle nous trouvons avant tout une conscience éthique. Il n'est pas un détail, tel celui de la symbolique des noms, qui ne ressortisse à une volonté de caractérisation significative, souvent morale. Mocchi < moccioso: morveux; Minghetti < mingherlino: malingre; Gorgheggi < gorgheggio: gazouillement, roulade (gorgorito); Valcárcel: valle + cárcel; Serafina: ange, au féminin, de l'annonciation faite à Bonis. Saint Jean Nepomucène (1330-1383) était l'aumônier de Jeanne, femme du roi de Bohème Wenceslas IV; il fut excécuté pour avoir refusé de révéler la confession de la reine. Juan Nepomuceno qui, au lieu de veiller sur les intérêts de sa nièce, ne songe qu'à la voler, n'est-il pas une pâle ironie du saint? Körner, patronyme relativement courant en allemand, n'en signifie pas moins: grains, récolte (cosecha). Est-il besoin d'insister sur Raíces, village natal de Bonifacio, que celui-ci retrouve en même temps que son identité. Bonifacio n'est-il pas un écho domestique du Pape Boniface VIII, si malmené et si outragé par le roi de France Philippe IV? (?)...10

Hors de Bonis, il n'y a dans le monde romanesque de Su único hijo aucune percée vers l'idéal, tout est d'en bas, là où les plus bas instincts, les pulsions primaires se conjuguent avec les raffinements de l'intelligence mise au service exclusif de la tromperie. Engañar est le mot clef qui caractérise tous les niveaux des relations sociales et humaines dans cette société où la seule solidarité est celle du vice (p. 222) et qui ressemble à la cama redonda de la misère (p. 226). Pourtant, les apparences sont toujours plus ou moins préservées dans les relations entre les individus et, tant bien que mal, la façade tient debout aux yeux du conformisme et des préjugés de la morale environnante. Ce n'est pas au nom de cette morale, bien sûr, que l'auteur dénonce cette hypocrisie fondamentale qui pousse les individus à revêtir un costume civilisé, alors que leur for intérieur (el fuero interno) est tout juste digne de la tunique de Sodome (et le mot, étant donné certaines allusions aux instincts dépravés d'Emma et de Marta, ne semble pas trop fort).

Clarín laisse, en outre, clairement entendre que dans la profondeur environnante du milieu social qui entoure la maison d'Emma et qui envoie des vagues de médisance contre ses murs, s'agitent confusément les mêmes instincts qui ne sont retenus que par la forteresse du conformisme traditionnel.

Est-il nécessaire d'insister? Dans toute cette partie du roman qui n'est pas Bonifacio, la réalité humaine ou sociale, riche, complexe, vivante est vue à travers l'idée que le monde est perverti. Cette conscience aigüe du mal faisait s'exclamer le journaliste Clarín, en 1897, du haut des colonnes de La Publicidad: «Nuestra decadencia moral es evidente». Dans ces conditions, le rôle, et connaissant Clarín nous n'hésiterons pas à dire la mission, du romancier est de dénoncer ces vices en les révélant dans des oeuvres artistiques. C'est au nom de cette fonction rédemptrice de l'art que notre auteur défendait, en 1882, le naturalisme et Zola attaqués par d'hypocrites pudibonds. Si les romans sont immoraux «no es por culpa del autor sino de la sociedad misma». Car «pintar las miserias de la vida no es ser pesimista. Que hay mucha tristeza en el mundo, es tal vez, el resultado de la observación exacta»11.

En 1888, à l'époque donc où il commence à écrire Su único hijo12, il remarque que si l'on fait un bilan des romans réalistes déjà publiés, quel que soit l'auteur (Zola, Bourget ou Pereda) et quelle que soit la classe sociale étudiée, il semble que toujours «los resortes del pícaro mundo son la vanidad y la lujuria».

Dans ces conditions, poursuit-il, pour l'art qui copie la vie comme elle est: «no hay más remedio que pintar al hombre como un animal eminentemente vicioso, tal vez lujurioso. Esto no es pesimismo, es historia natural; por lo menos, no es pesimismo absoluto... que es el único pesimismo posible»13.

Pessimisme, en effet... et le mot est prononcé par Clarín. S'il n'y avait dans Su único hijo que le monde que nous avons sommairement évoqué précédemment, on pourrait sans doute parler de pessimisme absolu. Car, pour ce monde-là, il n'y a aucune évolution et à la fin nous retrouvons, comme le remarque Carolyn Richmond, la même situation qu'au début. C'est vrai, les personnages n'ont pas évolué, les mécanismes du vice et de la tromperie tournent de la même façon, le milieu environnant reste le même... Cependant, il y a une caractérisation dans le jugement de C. Richmond que nous refusons de voir appliquer à l'ensemble du roman, c'est celle de l'organisation circulaire (et donc fermée) de celui-ci14. Car il y a Bonifacio et lui, au moins, il n'est pas le même qu'au début, c'est le moins que l'on puisse dire et le plus, c'est qu'il crève le cercle, vers le haut, vers cet idéal si douloureusement enfanté par le roman (et sans jeu de mots, comme nous allons essayer de le montrer).




Bonifacio Reyes et Clarín

Nous surprendrons certainement le lecteur en affirmant brutalement que Bonifacio est, pour l'essentiel bien sûr, ce que L. Alas a été, ce qu'il est et surtout que sa difficile recherche de lui-même à travers les multiples expériences nécessaires de la vie est un reflet de la quête incessante qui anime toute la vie profonde de Leopoldo Alas.

Analyser toutes les attitudes de Bonis, suivre tous les méandres de sa conscience (car, lui, il a une conscience morale et il est le seul), pénétrer ses rêves, réfléchir sur ses méditations... nous obligerait à remonter au Clarín intime. Il y faudrait un livre.

Mais Bonifacio est un personnage de roman, il a la cohérence artistique que lui donne son auteur, c'est pourquoi il serait faux et vain de vouloir l'interpréter seulement en fonction de ce dernier. Pourquoi, en particulier, Clarín a-t-il fait de Reyes un individu si faible, si pusillanime? Il n'est pas aisé de répondre. Par nécessité romanesque, afin qu'il soit le jouet de son milieu, l'esclave de sa femme, en somme le dernier des derniers qui en vient, grâce au jeu de sa propre conscience soumise aux épreuves de la vie, à pressentir par sa réflexion les grands problèmes qui se posent à l'homme? S'il en était ainsi le personnage acquerrait une dimension quasi symbolique. Mais n'est-il pas trop vrai, trop vivant pour accéder au symbole?

Ce qui est certain c'est qu'il est le seul personnage du roman à éprouver un besoin affectif de l'autre (Serafina aussi, parfois, mais d'une manière plus superficielle, plus floue, plus ambiguë). Dès les premières pages, l'auteur nous avertit: «se dio a buscar un ser a quien amar, algo que le llenase la vida» (Souligné par Clarín). Il n'est pas surprenant que cette traversée du désert, jusqu'à la certitude finale, soit peuplée de mirages (la musique-l'art-, le rêve romantique, la passion amoureuse) qui l'engagent dans de fausses directions. D'ailleurs, sa propension à la fuite, à la rêverie est lestée par un tempérament faible et paresseux qui l'empêche de s'engager à fond dans l'une ou l'autre de ces voies. Tout homme, sur ce point, n'est-il pas un peu Bonifacio? En tout cas, c'est un homme qui, bien que faible et souvent ridicule, est en quête de quelque chose, il a une âme (d'artiste frustré, d'amoureux un peu exploité, même de bon mari... potentiel) et une âme ouverte à l'autre.

Il faut savoir que les années 1889-90 marquent, non une rupture, mais un tournant dans la vie profonde de Leopoldo Alas. Nous avons expliqué ailleurs15 les diverses raisons (autant personnelles qu'historiques) de cette inflexion qui fait apparaître un L. Alas surtout préoccupé de l'amélioration intérieure de l'être et à la recherche d'un idéal spirituel, d'un renouveau moral, que rien, dans l'Espagne du moment, ne laissait présager, au contraire. Il est alors, et jusqu'à sa mort, animé par la conviction de l'authenticité de sa quête incessante et, parallèlement, plus ou moins désabusé par l'inertie anti-idéale ou par la corruption qui l'entoure. Il ne doit pas manquer alors, sans doute, de méditer sur les expériences de sa vie.

N'a-t-il pas cherché une fuite dans l'art, tout comme Bonis (mais avec plus de bonheur!).

N'a-t-il pas été, lui aussi, bercé parfois par le rêve romantique? A ce propos, la critique a beaucoup insisté et avec opportunité, sur cette satire démystificatrice du romantisme que contiennent les pages de Su único hijo. Remarquons, une fois encore, que cette critique est conduite par un moraliste qui condamne la fausseté de cette fabrication de rêves «au détail» que l'on débite dans la boutique de Cascos. Ce n'est pas tant le romantisme en tant qu'école littéraire d'une autre époque qui est condamné que la perversion des moeurs que son imitation vulgaire entraîne. Bref. En 1890, Clarín se souvient de ces années lointaines où, dans ce Madrid où il se sentait si seul et où son «c?ur avait la nostalgie de la mère», il trouvait refuge dans le théâtre: «Necesitaba amor, y en su ausencia poesía; y aquellos versos [Il s'agit d'une «mauvaise pièce», La Beltraneja], cantados tan dulcemente, me llegaban al alma, me hacían compañía, me hablaban de allá» [Oviedo, la ville natale]16. Or, La Beltraneja était un produit du «néo-romantisme qui suivit la Révolution» de 1868. Cet aveu laisse entrevoir un Leopoldo Alas à la recherche, lui aussi, de quelque chose qui «remplisse sa vie».

Quant à la passion, son oeuvre de création (et Su único hijo compris) montre qu'il en connaissait parfaitement les manifestations et les mécanismes, bien que sur ce point l'absence de données biographiques ne permette pas d'aller plus loin. En tout cas: «Para que el amor sea en un libro algo más que un tópico o un deus ex machina, se necesita, primero, entender de amores, haberlo sentido»17. C'est Clarín qui le dit.

Comment expliquer alors qu'il traite si mal son personnage?

Il l'a voulu faible, soit. Mais pourquoi le présente-il comme une marionnette? Pourquoi un tel acharnement à le ridiculiser, au moins jusqu'à la naissance de l'idée du fils dans l'esprit de Bonis? Car dans toute la première partie de la «biographie» du personnage, la distance que le narrateur introduit entre lui et Bonifacio est au moins aussi grande que celle qu'il garde avec les «autres», bien que les motivations et la nature de l'écart soient bien différentes dans l'un et l'autre cas. En effet, Bonis est ridicule mais il n'est pas abject, même pas lorsqu'il dérobe de l'argent, même pas lorsqu'il se livre à la passion adultère. Il est coupable, certes, mais ses retours sur lui-même, ses remords le rachètent un peu. Si l'auteur prend ses distances, c'est d'abord pour souligner que le pauvre mari d'Emma fait fausse route chaque fois dans ses diverses recherches de ce «algo que le llene la vida». Et, ensuite, Bonifacio n'est-il pas, en fin de compte, un peu ce que Clarín lui-même a été, une sorte de double qu'il aurait définitivement repoussé, en 1890, mais qui gît encore en lui, comme une défroque de pantin. A cette date, L. Alas a trouvé, en effet, quelque chose de bien supérieur, à ses yeux, à tout ce qui avait pu occuper sa vie jusque là: «La sinceridad me hace dejar traslucir, écrit-il en 1895, en casi todas mis invenciones otra idea capital, que hoy me llena más el alma (más y mejor; parece mentira!) que el amor de mujer la llenó nunca. Esta idea es la del Bien, unida a la palabra que le da vida y calor: Dios»18.

Quand vient le fils, ou plutôt quand apparaît l'idée du fils, Bonifacio devient progressivement un autre homme, il reste, certes, ce qu'il a toujours été, un être faible et pusillanime face aux autres, car une idée, même si elle remplit tout l'être, come c'est le cas, ne peut changer radicalement un tempérament. Le contraire serait invraisemblable. Que les autres traitent Bonifacio comme ils l'ont toujours fait, quoi de plus normal?

Ce qu'il faut remarquer c'est que le narrateur se rapproche peu à peu de lui jusqu'à le faire penser comme lui-même pense au moment où il écrit. Il y a alors coincidence parfaite. La place nous manque ici pour développer cet aspect primordial. Disons que toutes les idées morales, philosophiques, religieuses que Bonifacio découvre progressivement après la scène du concert et qui peu à peu remplissent et régénèrent tout son être, sont la conception philosophique et religieuse du L. Alas des années 1890-1901, que l'on voit ici émerger dans les balbutiements d'une conscience profonde. Citons, presqu'au hasard: besoin de pureté morale («Debía serse bueno, y nadie lo era», p. 225»; «¿Por qué no aspirar a la perfección moral y llegar en este camino adonde se pudiera, p. 230), aspiration à la sainteté morale («Había habido muchos santos cortos de alcance, y no por eso menos visitados por la gracia» p. 23119), refus des dogmes religieux puérils («Había cosas en la Biblia que no se podían tragar», p. 231; «el milagro y el verdadero Dios eran incompatibles», p. 252), retour à la fraternité et à la charité («Lo que no le faltaba era el sincero anhelo de sacrificio, de abnegación y caridad», p. 232; «Él tenía corazón para todos. La caridad, la fraternidad eran compatibles con la moral más estricta», p. 289), etc., etc. C'est tout Clarín que l'on retrouve dans Bonifacio.

La coincidence est si parfaite qu'elle frise l'invraisemblance. Clarín tire un peu trop le personnage vers lui-même et on a quelque peine à croire que ce Bonis que l'on a vu si hésitant, intellectuellement, fasse montre si vite d'un esprit aussi spéculatif, se révèle si cultivé.

La cause de cette régénération c'est l'idée du fils qui devient, pour Bonifacio, une aspiration vers l'absolu: «El deber de padre, el amor de padre es para mí lo absoluto» (p. 280). Or, pour Clarín, il y a dans la paternité (dans la maternité aussi, sans doute) quelque chose de mystérieux et de divin car elle représente la perpétuation de l'essence dans l'existence. Cette idée provoque chez le personnage un nouveau sentiment de la vie, tout différent des rêves et des nostalgie célestes (p. 293) des expériences antérieures: «un sentimiento austero, algo frío, poético, eso sí, por el misterio que le acompañaba» (p. 289). Ce sentiment profond et exclusif rend à l'être toute sa pureté en le débarrassant des futilités de la passion épidermique: «Amar a la mujer... siempre era amar a la mujer, no otra cosa» (p. 228) (Déclaration qui doit être rapprochée de la phrase citée précédemment et tirée du prologue de Cuentos morales). Dès lors, Bonifacio acquiert toute sa force morale (p. 300), il grandit («se crece», p. 300).

A partir de là, quand il a compris «la miseria espiritual que llevaba dentro» (p. 227), Bonifacio trouve ce supplément d'âme (sursum corda) qui lui permet de renouer, au delà de l'aliénation de lui-même dans laquelle il a vécu, avec un passé (retour à Raíces) et de se projeter sur un futur (vivre «una vida nueva, sin los compromisos de la antigua», p. 227). Bonifacio (re)trouve enfin la pureté idéale (spirituelle) de son identité.

Qu'importe alors qu'il soit l'objet de railleries de la part de «aquella gentuza» qui l'entoure, sa foi en son idéal est même capable de dissoudre le venin de la morsure de son ex-amante. Car, tel Don Quichotte: «con un ideal, con una pasión, lo sufría todo; sin eso... nada. Se moriría» (p. 241).

*  *  *

Avec Su único hijo nous sommes loin de l'objective observation du réel préconisée par le naturalisme, car dans la relation dialectique idée flecha réalité, l'idée du moraliste qu'est Clarín précède et domine (pré-domine) la réalité. En outre, celle-ci, pour le Clarín de 1890, est plus que jamais complexe, mystérieuse: l'idéal, le mystère sont des réalités qui s'imposent à la raison au même titre que les autres. Or, c'est, essentiellement par l'idée que l'on peut accéder à l'idéal.

En définitive, c'est cette prédominance de l'idée, aussi bien dans la peinture et la critique d'une humanité abjecte ou dépravée que dans l'affirmation des vérités essentielles et spirituelles, que réside l'unité artistique de Su único hijo, car dans l'un et l'autre cas, l'idée s'alimente à la même source: celle d'une pensée éthique et spirituelle.








Appendice

Il sera certainement très utile de lire ce passage du conte de Clarín: Un voto (Almanaque de la Ilustración para 1898. Publié dans El Gallo de Sócrates, édit. récente: Collec. Austral, 1547), texte que je n'ai pas voulu utiliser dans les pages qui précèdent.

C'est un personnage du conte, Leal, qui parle.

[...]

- Yo perdono a los espíritus geométricos su intransigencia esquinada, su inflexibilidad, su cristalización fatal, congénita, y no me irrito cuando me dicen que me contradigo, y me llaman místico, soñador, dilettante, etcétera, etcétera. No pueden ellos comprender esta plasticidad del misterio; la seguridad con que se apoya, si no los pies, las alas del espíritu, en la bruma de lo presentido, de la intuición inspirada. No comprenderán, imposible, por ejemplo, a Carlyle cuando nos habla de la adoración legítima del mito mientras es sincera; no comprenderán, imposible, a Marillior cuando distingue el mito racional de la última razón metafísica de la religión. Y, sin embargo, es una pretensión ridícula querer elevarnos por encima de los límites de nuestra pobre individualidad, y hacernos superiores a las influencias de raza, clima, civilización, nacionalidad, tiempo, etc., etc., sin más fundamento que la idea de que el conocimiento realmente científico necesita, para ser, prescindir de todas las influencias históricas. ¿Quién se atreve a personificar en sí el sujeto puro de la ciencia pura? Pero otra cosa es la legitimidad de la creencia racional, no incompatible con lo que la conciencia nos da como lo más conforme a verdad, según el adelanto especulativo que alcanzamos. Así como en derecho positivo nadie tiene por absurdas las formas residuales del primitivo o antiquísimo derecho simbólico, así estos nobles residuos racionales, de creencias antiguas pueden entrar en nuestra vida moral, no en calidad de ciencia, pero sí de creencia y culto y devoción personal, que nadie ha de imponer a nadie. Yo, verbigracia, soy de los que rezan, de los que adoran; y no por seguir al pie de la letra la teología ortodoxa, ni por inclinarme a las teorías de que hablábamos, relativas a la contingencia, a las voliciones divinas nuevas, al indeterminismo primordial. Yo no pido a Dios que por mí cambie el orden del mundo; rezo deseando que haya armonía entre mi bien, el que persigo, y ese orden divino; rezo, en fin, deseando que mi bien sea positivo, real, no una apariencia, un engaño de mi corazón. Y con tal sentido, me animo a mejorar moralmente, a hacerme menos malo, no sólo por la absoluta ley del deber, sino pensando en la flaqueza de mi interesada pequeñez de alma; también por esa especie de pacto místico, inofensivo por lo menos, en que ofrecemos a Dios el sacrificio de una pasión, de un falso bien mundano, a cambio de que exista esa anhelada armonía entre el orden divino de las cosas y un deseo nuestro que tenemos por lícito. Cualquier jurista podrá ver que no es esto imponer una condición para el sacrificio, pues en buen derecho, la condición es acontecimiento futuro e incierto, que puede ser o no ser... y esta armonía que deseo entre mi anhelo y el orden de las cosas no es contingente. [...]





 
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